Le secteur du nettoyage professionnel représente un poids économique important et on ne peut évoquer les prestations de nettoyage sans aborder les nuisances causées à l’environnement et l’impact sur la santé des produits d’entretien utilisés.
Dans les marchés publics de prestations de nettoyage, l’acheteur doit repenser son acte d'achat dans sa globalité afin de faire évoluer l’offre des entreprises vers des produits et des services plus éco-responsables et créer de la valeur durable sur les territoires.
L’Agence AGUINALIN travaille sur certains marchés de prestation de nettoyage et fourniture de produits d’entretien en collaboration avec deux expertes sur le sujet, Eleni Gravière et Alexandra Lorenzo, de l’Agence Environnement & Santé qui accompagnent les institutions et les acteurs économiques pour verdir les marchés de nettoyage et les marchés de fourniture de produits d'entretien.
A travers cette interview, il nous semble intéressant d’avoir le point de vue d’Alexandra et d’Eleni sur les enjeux que représentent les marchés de prestations de nettoyage tant sur un plan sanitaire qu’environnemental et comment mettre en place des marchés plus écologiques.
Les collectivités qui font le choix de travailler sur un entretien plus écologique constatent un mieux vivre dans la collectivité et un vrai engouement sur le terrain, sans compter un réel gain financier, c’est vraiment du gagnant-gagnant !
On est donc ravies de répondre à tes questions Julie pour éclairer les collectivités et montrer qu’on a tout à gagner à verdir ses marchés 😊
Eleni Et Alexandra
Quels sont pour vous les enjeux environnementaux dans les prestations de nettoyage et la fourniture de produits d’entretien ?
Un enjeu pour la planète :
Tout d’abord, la plupart des produits d’entretien présentent un risque important de pollution une fois rejetés dans les eaux usées. Ils sont difficilement biodégradés et se retrouvent dans les rivières et les océans, où ils détruisent les écosystèmes. Nous pouvons retrouver ces informations sur la Fiche de Données de Sécurité du produit et sur son étiquette, avec, par exemple, le pictogramme de danger représentant un arbre et un poisson morts. Le problème, c’est que nous oublions que l’eau suit un cycle fermé : ce que nous rejetons d’un côté, nous le retrouvons dans les eaux de consommation de l’autre !
Un enjeu pour la santé :
Certains produits sont aussi nocifs pour la santé des utilisateurs et des usagers. Les professionnels de l’entretien font face à des pathologies directement liées à leur exposition aux substances toxiques ou allergisantes, comme de l’eczéma, de l’asthme, des sinusites ou bronchites à répétition… Et les usagers ou occupants des locaux peuvent aussi y être confrontés, car ces substances dégagent des COV (composés organiques volatils) qui dégradent la Qualité de l’Air Intérieur. Notons que les accidents sont aussi plus graves avec ces produits beaucoup trop puissants. L’ANSES* a relevé plus d’une centaine de cas de brûlures chez les enfants en collectivité entre 2017 et 2022, directement liés à une mauvaise utilisation de produits désinfectants dans les sanitaires ou sur le mobilier.
Concrètement, qu’est-ce qu’un marché de nettoyage écologique ?
Lorsqu’une collectivité fait le choix d’orienter son marché de nettoyage vers des solutions écologiques, elle attend du prestataire ou des fournisseurs une proposition de méthodes et de produits d’entretien sans risques pour la santé et l’environnement.
Cela se matérialise par des critères précis sur les produits à fournir : ingrédients interdits, pictogrammes de danger restreints, choix de références sans parfum et sans allergènes, biodégradabilité, labels exigeants…
Mais aussi et avant tout, cela nécessite une remise en question de la collectivité et du prestataire sur les besoins réels en matière de nettoyage.
Par exemple, on constate souvent lors de nos accompagnements qu’il y a un abus de langage sur le mot “désinfection” qui donne lieu à l’application de produits désinfectants là où un simple produit détergent serait suffisant. Or il est avéré que l’utilisation massive de virucides et bactéricides favorise l’émergence de micro-organismes multi-résistants, dangereux pour notre santé ! A cela s’ajoutent les effets souvent allergisants et toxiques de ces produits pour l’agent d’entretien et les usagers des locaux…
A contrario, certaines zones sont soumises à une obligation réglementaire de désinfection, comme en restauration collective où la norme HACCP implique une hygiène irréprochable des surfaces en contact avec les aliments. Dans ce cas, des alternatives saines mais tout aussi efficaces existent pour remplacer les désinfectants chimiques usuels.
Quelles sont pour vous les éléments fondamentaux à prendre en compte lorsqu’une collectivité souhaite lancer ou relancer son marché de nettoyage ?
Renouveler ou passer un marché public de nettoyage écologique dans une structure publique implique une vigilance particulière lors de trois phases clés :
ü Le recueil des besoins :
La collectivité doit
définir ses nouveaux besoins, en fonction de ses nouvelles exigences. Changer de pratiques d’entretien a pour conséquence de modifier les protocoles, les quantités de produit, le matériel
nécessaire… Lors de cette phase de travail interne, le CCTP et le BPU sont pré-définis.
ü Le sourcing fournisseurs / prestataires
En parallèle,
échanger avec des fournisseurs de produits d’entretien et/ou des prestataires de nettoyage permet de faire connaître les nouvelles attentes de la collectivité tout en faisant un tour d’horizon de
l’offre existante. Pendant cette phase, l’acheteur vérifie que les critères de son marché pourront être satisfaits. Le CCTP et le BPU sont alors affinés.
ü L’analyse des offres :
Une fois le marché ouvert et les offres reçues, une analyse attentive des réponses est primordiale, pour s’assurer de la conformité des produits proposés et/ou de la fiabilité de l’engagement écologique affirmé par les prestataires de ménage.
Le marché des produits et prestations d’entretien écologiques s’étoffe d’années en années, mais n’ayant pas de cadre ni d’obligations réglementaires, les propositions sont très variables. En échangeant sur sa démarche écologique avec les potentiels candidats dans la phase de sourcing, la collectivité mesure la maturité du marché et l’incite à évoluer. C’est le cercle vertueux de la commande publique !
Des résultats positifs que nous constatons régulièrement sur le terrain, comme par exemple lors de notre accompagnement avec la mairie de Ramonville Saint-Agne.
Quels sont les bénéfices pour une collectivité à verdir ses marchés de nettoyage ?
Faire le choix de solutions saines et durables pour l’entretien des locaux de la collectivité est un bon levier d’actions pour s’investir efficacement et avec un coût limité dans une démarche écoresponsable.
#Gain sanitaire
Changer de pratiques et de produits de nettoyage pour des solutions saines et écologiques, c’est protéger la santé des agents et des usagers des locaux concernés. Les enfants étant particulièrement sensibles aux substances chimiques, opter pour l’entretien écologique des crèches et des écoles est une action concrète en faveur de leur santé.
Moins de produits toxiques et allergisants au quotidien, du matériel pensé pour réduire les troubles musculo-squelettiques, c’est aussi moins d’arrêts de travail pour les agents et moins d’absences chez les bébés accueillis en crèche, donc un impact économique positif pour les gestionnaires !
#Gain environnemental
Moins de produits polluants rejetés dans les canalisations, c’est préserver les ressources en eau et agir pour la biodiversité. Moins de désinfectants chimiques disséminés dans l’environnement, c’est limiter l’émergence de bactéries résistantes, contre lesquelles nous n’avons pas de traitement.
#Gain financier
Reconsidérer ses besoins en matière de produits et protocoles d’entretien, c’est rationaliser ses achats et réduire le nombre de références à commander. Pour la plupart de nos clients, la démarche de mise en place de l’entretien écologique a permis de réduire de 30 à 50% le BPU.
Avez-vous des recommandations particulières pour les acheteurs qui souhaitent renouveler ou passer un marché public de nettoyage ?
Lorsque nous accompagnons les collectivités dans leur démarche de transition écologique, nous les invitons à garder un esprit critique face aux innovations et à privilégier les solutions les plus simples, qui ont fait leurs preuves.
Pour ce qui est de l’entretien, par exemple, nous préférons éviter les machines coûteuses (eau ozonée, UV, hydrolyse…) : elles lient les acheteurs à un seul fournisseur de consommables, elles ne sont pas toujours sans risques pour la santé, et s’avèrent pour certaines totalement inutiles, comme les placards de désinfection pour jouets.
De même, ce n’est pas justifié qu’un fournisseur ou un prestataire augmente ses tarifs pour proposer des produits d’entretien écoresponsables.
Une entreprise avec un réel engagement écologique ne coûte pas plus cher, car elle a aussi fait la démarche de réfléchir à l’optimisation de ses méthodes et à une utilisation raisonnée de la chimie !
Merci beaucoup Eleni et Alexandra d'avoir répondu à nos questions, et on espère que comme nous, nos lecteurs seront convaincus des nombreux bénéfices de repenser ses marchés de prestations de nettoyage 😊
Eleni et Alexandra interviennent auprès des acteurs économiques depuis plus de 4 ans pour intégrer les enjeux de santé environnementaux dans leur stratégie et leurs actions et notamment dans le cadre de la commande publique.
N’hésitez pas à les contacter pour définir ensemble vos besoins !
Alexandra Lorenzo & Eleni Gravière
Co-fondatrices de l’Agence Environnement & Santé
Tel : 06 79 21 47 73
Mail : contact@agence-environnement-sante.fr
Leur site internet :
https://www.agence-environnement-sante.fr/
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